RÉVOLUTIONS SEXUELLES, DEUX DOCUMENTAIRES HISTORIQUES DE SYLVAIN DESMILLE.



RÉVOLUTIONS SEXUELLES

LE DROIT AU PLAISIR
RÉINVENTER L’AMOUR


DEUX FILMS DOCUMENTAIRES HISTORIQUES DE 53’ 
ÉCRITS ET RÉALISÉS PAR SYLVAIN DESMILLE.

UNE CO-PRODUCTION LES BATELIÈRES PRODUCTIONS, ARTE FRANCE, 

AVEC LA PARTICIPATION DE PLANÈTE, DE LA RTS-RADIO TÉLÉVISION SUISSE, DE LA RTBF-RADIO-TÉLÉVISION BELGE DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE 
ET DE  TV5 QUÉBEC-CANADA

ET LE SOUTIEN DU CNC, DE LA PROCIREP ET DE L’ANGOA.


Les deux films peuvent être vue successivement et / ou séparément. Ils sont diffusés en mai 2018 au Canada (TV5 Quebec), Belgique (RTBF), Suisse (RTS), Espagne et Grèce, puis au Brésil et en Allemagne. Diffusé en 2023 sur Apple TV et Prime Video. 




Peep show, source Atelier des archives.



Manifestation féministe, New York, 1970s. Source INA.




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Lundi 3 Sept 2018







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édition du 4 septembre 2018











I-D

mise en ligne du 4 septembre 2018





https://i-d.vice.com/fr/article/wjkvpw/revolutions-sexuelles-un-docu-pour-comprendre-que-le-sexe-est-aussi-politique











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Selection replay (3 oeuvres sont sélectionnées dans tout ce qui est passé pendant une semaine toutes chaines confondues) et édition du mardi 4 septembre 2018













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RTBF / LA PREMIÈRE

Émission "Entrez sans frapper"
Lundi 3 septembre 2018 entre 15h et 16h





LIEN ENTRETIEN RTBF / LA PREMIERE / 
ENTREZ SANS FRAPPER
Lundi 3 septembre 2018 de 15 à 16h






FRANCE INFO

Rubrique "Infos Médias" du 29 août 2018


https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/infos-medias-l-invite/arte-entend-devenir-d-ici-trois-a-cinq-ans-avant-tout-un-groupe-numerique_2896371.html







FRANCE BLEUE



Révolutions sexuelles
Épisode 1 : le droit au plaisir 

Son succès publique le prouve. Parce ce qu’il s’adresse librement à tous en rendant scientifiquement compte des comportements sexuels des hommes américains, la publication en 1948 du premier Rapport Kinsey marque un tournant. Jusqu’alors promue par une certaine élite, la révolution sexuelle devient un mouvement collectif porté par toute la société. La génération du baby boom s’affirme comme le fer de lance et le moteur de cette libération des moeurs, de la parole et des apparences. Parce qu’il conteste, renverse et inverse les normes et la censure, chaque combat est une petite révolution. Bikini et mini-jupe pour les filles, cheveux longs pour les garçons, flirt et contraception, de 1948 à 1968, la conquête du droit au plaisir bouleverse les consciences et les comportements sociaux. Hédoniste et festif, le politique se vit à fleur de peau. 

Révolutions sexuelles, Le droit au plaisir, retrace de 1948 à 1968 ce processus en interrogeant l’histoire de l’idée même de révolution sexuelle dans sa dimension internationale, perçue alors comme un enjeu générationnel et un idéal vécu au bord des lèvres et à fleur de peau.  


Révolutions sexuelles
Épisode 2 : Réinventer l’amour

Au tournant des années 1960 et 1970, la révolution sexuelle prend une tournure plus sociétale et légaliste. Il s’agit non seulement de faire évoluer les consciences et les moeurs comme en témoignent l’essor de l’éducation sexuelle et de la pornographie,il faut aussi transformer les lois pour plus d’égalité et moins de discrimination. Les révolutions sexuelles font corps et se soutiennent les unes les autres. Les combats féministes pour autoriser l’avortement ainsi que les luttes des premiers mouvements gay pour dépénaliser l’homosexualité accélèrent le processus d’émancipation  - malgré les réserves ou les postures attentistes et un rien paternalistes des autres forces de contestation. Pourtant l’enjeu est importance: il importe de ré-inventer l’amour, c’est à dire de transformer le regard porté vers l’Autre, pour plus d’égalité et de tolérance.  Inscrites au coeur des luttes sociales, les questions sociétales s’affirment à partir des années 1980. La révolution sexuelle devient un bon indicateur de cette évolution - passage, au seuil du XXIe siècle, des oppositions Droite-Gauche du XXe siècle vers une division entre  Conservateurs et Progressistes, sur le modèle américain. 

Révolutions Sexuelles, Ré-inventer l’amour, retrace de 1968 à 2018, le processus de transformation des révolutions sexuelles perçues comme un marqueur et un vecteur des transformations des sociétés occidentales au tournant des XXe et XXIe siècle. Égalité, fin des discriminations, esprit de tolérance, nouveau regard porté sur l’Autre sont autant de point de perspective de ces nouveaux états de conscience. Le XXIe siècle sera-t-il sexuel ou ne sera-t-il pas ? 





EXTRAIT VIDEO
Générique début de Révolutions sexuelle-Le droit au plaisir.




ENTRETIEN AVEC
 L’AUTEUR-RÉALISATEUR




Source: Johan, journal intime d'un été 75, de Philippe Valois. 


Pourquoi révolutions sexuelles au pluriel ? 

Sylvain Desmille: Ces deux films retracent une histoire de l’idée de la révolution sexuelle à partir de 1948 jusqu’à aujourd’hui. Ils mettent en avant un processus que l'on retrouve dans les pays occidentaux. Celui-ci fut opératoire selon ces pays à des moments et selon des variations différentes, certains apparaissant comme des précurseurs (ainsi en alla-t-il de la Suède, même si le film nuance ou relativise un peu ce mythe) d'autres comme des suiveurs. Cette dimension internationale est  non seulement représentée par le choix des intervenants (français, allemands, suédois, américains...) mais aussi affirmée par le souci de mettre en avant ce qui apparaît commun à tous ces pays, en montrant leurs liens et leurs interactions. Les succès ont pu être parfois plus ou moins effectifs selon les pays, les films le soulignent comme faisant parti de ce processus d'ensemble, de ce changement de point de vue et d'état de conscience.

Comme le soulignent les historiens Jeffrey Escoffier et Vincent Vidal-Naquet,  la révolution sexuelle fait écho aux grandes révolutions comme la révolution française ou encore la révolution industrielle. Elle se déploie sur un temps long - il a fallu plus près d’un siècle pour que la République et la démocratie s’imposent en France - scandé d’accélérations et de phases de régression, voire de répression. Mais n'en va-t-il pas ainsi des processus qui visent à changer les consciences, les manières de percevoir l’autre et de concevoir son rapport au monde ?  A cet égard, les différents événements ou les phénomènes que révolutions sexuelles mettent en exergue (bikini, jupe courte et cheveux longs, flirt, éducation sexuelles ou pornographie par exemple), sont autant d’états de conscience personnels et collectifs qui témoignent du processus à l’oeuvre. Chacun, surtout à son époque, est perçu comme une petite révolution en soi et c’est la somme de ces petites révolutions qui produit un mouvement plus ample de transformation sociale.

A cet égard, le terme de “révolution” doit être pris dans son sens politique stricte, comme un changement sinon brusque voire brutal, du moins rapide, comme une rupture structurelle et le passage d’un état tout un vers un état tout autre (qu’il s’agisse d’une vraie altérité ou d’une logique contraire), d’un changement du regard porté vers l’autre et de son propre rapport à l’autre. Et si d’aucuns refusent le concept de Révolution sexuelle au prétexte que les pratiques sexuelles n’ont pas changé - mais en fait depuis, sans doute, le début de l’humanité et de son animalité (les Bonobos en font foi) et certainement depuis les tombeaux égyptiens, les bordels grecs et romains, le Khajurâho et le Kamasutra - l’honnêteté intellectuelle exige de reconnaitre qu’il y a bien eu révolution. 


En témoignent le statut des homosexuels qui a changé de tout au tout en l’espace d’une quarantaine / cinquantaine d’années selon les pays. Honnis, méprisés, rejetés, battus, emprisonnés, envoyés en camps de concentration par les Nazis, décrétés fléau social en France en 1961, ils sont aujourd'hui reconnus socialement et sociétalement. Du moins en Occident. Les Gay Pride sont devenues un symbole et un étalon de tolérance. Le Droit à la différence - revendiqué par les Gays eux-mêmes dans les années 1970 -  s'est transformé en un droit à l'indifférence à partir des années 1980-1990, avec l'épidémie de Sida. Il est devenu vital d'apparaître comme tout le monde, c'est à dire d'avoir les mêmes droits ( ce dont les couples homosexuels étaient alors privés). Le mariage gay témoigne de cette volonté d'assimilation. Dans les années 1970, le concept de mariage était discrédité et même rejeté, car perçu comme un symbole d'aliénation au pouvoir patriarcale et religieux. Aujourd'hui, il est devenu un symbole de l'égalité des droits. Comme quoi, il y a eu aussi des révolutions dans la révolution sexuelles. 

Le statut et la situation des femmes  ont considérablement évolué, et même changé du tout an tout. En France, celles-ci ne pouvaient avoir un chéquier ni travailler sans l’accord de leur mari jusqu’en 1965. Alors oui, les femmes sont pareillement des femmes - anatomiquement des femmes - qu’on se situe en 2018 ou 1918, mais leur statut, la conception et la considération, le regard porté sur elles, leur volonté et leur réalité, leur rôle social et leur rapport existentiel, leur droit au plaisir et à gérer leur corps en toute liberté et en toute indépendance (via la contraception et l'avortement) ont bien changé en l’espace d’un siècle, du moins dans le monde occidental. Certains peuvent le regretter, moi pas. 





La première Gay Pride , New York, 1970, source INA.

Gay Pride, Berlin 1970s, Source W. Laule.



Si je mets en avant le statut des homosexuels et celui des femmes, c’est parce que ces deux groupes ont joué un rôle majeur dans la dynamique de la révolution sexuelle, surtout à partir de la fin des années 1960. Ils ont oeuvré un moment ensemble (le mouvement gay a été soutenu par les Féministes) et chacun a été également à sa propre révolution. C’est aussi la raison pour laquelle ce film met en avant le concept de Révolutions sexuelles - au pluriel - dans la mesure où il s’agit d’un mouvement d’ensemble pluriel, qui a oeuvré parfois en symbiose ou du moins en interaction (cf. le mouvement des Droits civiques contre la discrimination et pour l’égalité des Droits qui a servit d’exemple aux mouvements féministes et gays), parfois en contradiction (par exemple, une partie des féministes s’est opposée à l’essor de la pornographie, perçue pourtant comme une victoire contre la censure et un acquis de la Révolution sexuelle). De même, le processus d’ensemble se constitue de plusieurs dynamiques, lentes et rapides, structurelles et conjoncturelles, synchroniques et diachroniques (comme ce fut le cas pour les révolutions féministes et homosexuelles). 

Pour reprendre la comparaison - et non l’analogie - avec la Révolution française, les années 1960 font écho à l’effervescence pré-révolutionnaire des années 1780, et selon les pays, 1967 et/ou 1969 aux Etats-unis, 1968 en France et en République Fédérale d’Allemagne, ces dates résonnent à l’écho de ce que fut 1789 au regard du processus révolutionnaire au XVIII ième siècle. 

Mais comme pour la Révolution française, cette rupture est le résultat d’un processus plus ancien, et d’un changement d’état d’esprit plus profond,  tout à la fois souterrain par la dynamique des masses qu’il met en oeuvre (inconsciente/subconsciente - car on n’est pas loin de la théorie psychanalytique appliquée à la conscience sociale), mais aussi ponctué de manifestations c’est-à-dire d’extériorisations (la prise de la Bastille, les émeutes de Stonewall - toute proportion gardée). La Révolution française commence avec l’évènement de la pensée critique-objective des Lumières, vers 1688 (La Glorieuse Révolution en Angleterre) ou 1715 (la mort de Louis XIV et de son Siècle).  La Révolution sexuelle commence à la fin du XIX ième siècle, avec le mouvement des Suffragettes et prend plus d’ampleur encore aux lendemains de la Première guerre mondiale (on songe au mouvement d’émancipations des Flappers aux Etats-Unis et des Garçonnes en France). Mais il s’agit encore d’une révolution sinon élitiste et élitaire (réservée à un petit groupe, et à un petit groupe social), du moins avant-gardiste. Elle donne une direction mais ne touche pas ni emporte l’ensemble du corps social. Cela change avec la Deuxième guerre mondiale.





EXTRAIT VIDEO
Le Bikini



Est-ce la raison pour laquelle votre histoire des Révolutions sexuelles commencent en 1948 ? Pourquoi cette date? 

Sylvain Desmille: Au XXe siècle, les deux premières guerres mondiales furent un accélérateur de la Révolution sexuelle. Elles ont permis aux femmes de gagner plus d’autonomie voire plus d’indépendance. Elles ont permis le brassage des populations, facilité la permissivité (vis à vis de l’homosexualité) et les opportunités sexuelles en dehors des normes traditionnelles (comme le mariage) - au risque d’accroître les viols aussi. Elles ont atténué les pressions moralistes et le conformisme. 

C’est au lendemain de la Deuxième guerre mondiale que le docteur Alfred Kinsey, zoologue de formation,  réalise la première étude statistique, objective, sur le comportement sexuel des hommes américains. Celle-ci eut l’effet d’une bombe comme en témoigne le nombre d’exemplaires vendus.  Pourtant, la lecture du Rapport était pour le moins ardue, mais cela démontre bien de l’état d’esprit de la population américaine au lendemain de la Deuxième guerre mondiale, de ses attentes en matières de sexualité. Pour la première fois, on abordait la question sexuelle du point de vue du plus grand nombre, de tous et de chacun. On en parlait, non dans la confidence d’un cabinet de psychanalyste  ou un confessionnal, mais ouvertement. Les populations se reconnurent dans les biographies sexuelles recueillies par Alfred Kinsey et son équipe, peut-être parce qu'elles l'avaient été auprès d'Américains de toute origine sociale. Certes, il ne s'agissait pas d'un échantillon statistique fiable, et il eût fallu prendre aussi en considération la donne spécifique qu'avait constitué la guerre (par rapport à la surévaluation des rapports homosexuels), mais le Rapport Kinsey permit de parler de sexualité autrement. Comme le dit l’historienne Anne-Marie Sohn, la sexualité devient “un objet public et de discussion publique”. Il s’agit d’une date fondamentale. D'ailleurs, le fait que les rapports de 1948 et de 1951 fassent toujours autant polémiques démontrent bien combien les questions sexuelles restent un objet de débats et de clivages politiques. 

Révolutions sexuelles se divisent en deux épisodes. Le premier intitulé “Le Droit au plaisir,” couvre les années 1948-1968, le second, “Réinventer l’amour”, les années 1968-2018. Pourquoi ce choix ? L’année 1968 marque-t-elle vraiment une date charnière ? 

Sylvain Desmille: En France, Événements oblige, 1968 est une date symbolique. C’est aussi un tournant. Les mouvements féministes français sont créés dans les années 1970 autant en écho à leurs homologues américains (le mouvement NOW - National organization for women - fut fondé en 1966), qu’au prolongement direct de 1968. En réalité, 1968 est bien une date charnière dans la mesure où elle cristallise un tournant, entre le Summer of Love californien de 1967 et Woodstock en 1969. 






Extrait video: Le Paradis


D’aucuns datent la révolution sexuelles dans son sens le plus restrictif, entre 1967-1968 et 1982-1986 (avec l’arrivée de l’épidémie de sida). Mais pour que la révolution éclate en 1968, il a fallu une transformation en profondeur et une révolution de fond. C’est ce processus qu’analyse le premier épisode, “Le droit au plaisir”. Le plaisir avait longtemps été perçu comme un luxe voire une luxure (associé au monde de la prostitution) et dans tous les cas, il n’était pas nécessaire ni indispensable à la fonction reproductive -  qui était le fondement essentiel du mariage et de la famille.


Tout change après 1945. En témoigne les récits des auteurs de la Beat generation. Car si le roman de Jack Kerouac, Sur la route, publié en 1957, devint une référence d’émancipation, de liberté pour la jeunesse des années 1960, il relate des aventures qui ont eu lieu entre 1947 et 1950. En fait, les jeunes prennent exemple sur la génération des pères qu’ils contestent à l'époque.


Alors, tu viens ? Source atelier des Archives.


En réalité, la notion de plaisir sexuel (de la sexualité comme usage du plaisir)  s’impose peu à peu, en écho au plaisir économique de consommer, du mieux vivre et du bien-être de l’American way of life et des Trente glorieuse. Comme le rappelle dans le film Erica Jong, auteure du Best-seller mondial Le complexe d’Icare, roman qui aborde la sexualité du point de vue des femmes, la révolution sexuelle est fille des Trente Glorieuse car pour se libérer sexuellement, il faut d’abord pouvoir se libérer économiquement. La génération du baby boom a profité de ce mouvement. La jeunesse s’est constituée comme un groupe social nouveau. Le plaisir - et le plaisir sexuel - était l’une de ses aspirations et de ses revendications. 


Ce droit au plaisir est aussi un usage des plaisirs pour reprendre le concept de Michel Foucault (je vous renvoie à l’article publié par le site Fabriquedesens.net , discussions entre Jean-Pierre Vernant, Marcel Détienne, Jacques Le Goff et Paul Veyne qui furent mes profs et mes maîtres: http://www.fabriquedesens.net/Foucault-L-Usage-des-plaisirs-Le). Dès 1946, et successivement, les jeunes revendiquent d’avoir le droit de: porter des bikinis, une jupe courte, des cheveux longs pour les garçons, de flirter, de contrôler sa procréation. Ce droit est leur bon plaisir. Il exprime leur désir de se libérer et leur volonté de libération. D'être différents. Bikini, jupe courte, cheveux longs sont autant d’indices d’une révolution sexuelle en marche, d’une transformation en profondeur des consciences. Les velléités conservatrices et réactionnaires n’ont pu rien contrer. Car si l’année 1953 fut celle de l’apogée du Maccarthysme et de la mise au ban du docteur Kinsey après la publication de son second rapport consacré aux comportements sexuels des femmes, c’est aussi l’année de publication de Bonjour Tristesse roman de Françoise Sagan et du magazine Play Boy. 


"Play boy boy", film d'éducation sexuelle américain, source: Atelier des archives.



Bourgeoise allemande dans un sex-shop en Allemagne, source: INA.


En fait c’est pendant cette période qu’on observe une véritable révolution sociétale, fondée sur le progrès technique parfois lui-même considéré comme un progrès et une libération morale (cf. la pilule contraceptive), le progrès économique (l’élévation du niveau vie, l’essor de la classe moyenne, l’allongement des études) et la sécularisation des sociétés occidentales. 

Après 1968, les revendications deviennent plus politiques et communautaristes.  A cet égard, si dans le premier épisode, la révolution sexuelle traverse toutes les classes sociales, et les transcende, la division des classes sociales réapparaît après 1968. Les jeunes prolétaires épousent moins qu’ils ne suivent la révolution sexuelle, d’abord de loin quand elle accélère puis de plus près au fur et à mesure qu’elle ralentie. On retrouve la même partition entre ouvriers et étudiants en 1968, et au sein des mouvements de Gauche (Maoïstes, Communistes ou Black Panthers) entre ceux pour qui la révolution sexuelle doit rester une conséquence de la révolution socialiste et ceux pour qui, inspiré par l’œuvre de Wilhelm Reich, elle doit en être le moteur. Et si nombreux sont ceux au sein du FHAR (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire) à utiliser la rhétorique marxiste de l’époque, il suffit d’écouter le discours de Guy Hocquenghem en 1970 aux Beaux Arts de Paris pour s’apercevoir combien dans le fond il se démarque de l’idéologie marxiste. 

Il faut dire que la révolution sexuelle transcende les divisions et les oppositions des classes sociales. On est d'abord une femme avant d'être une bourgeoise et une prolétaire. On est gay quelque soit la nation à laquelle on appartient. Et d'ailleurs les mouvements homosexuels nationaux ont souvent fait corps par delà les frontières, chaque avancée ailleurs permettant de faire progresser le droit des autres.


Il est intéressant aussi de rappeler que les féministes considéraient les femmes comme un groupe minoritaire, bien que majoritaire démographiquement. Elles inscrivaient dès lors leur combat au regard et au prolongement des autres luttes   contre la discrimination et pour l’égalité des droits des minorités (cf. les luttes pour les droits civiques des Noirs américains). Il en est allé de même pour les homosexuels - mais parce qu’ils représentent une minorité, discriminée et violentée alors, effectivement. Cette dimension minoritaire / communautaire est une dimension importante. Elle est aussi internationale. Elle est assimilatrice aussi. En témoigne le mariage pour tous. 



Film érotique américain, années 1950. 



En fait les deux films rendent compte de l’évolution d’un état d’esprit: assez joyeux de 1948 à 1968, de plus en plus sérieux après, quand les questions sexuels s’affirment plus légalistes. Elle rend compte aussi de la génération du babyboom, massivement enfant dans les années 1950, adolescente en 1960, plus mature après 1975. Cette année 1975 marque d'ailleurs une sorte d'apogée de la révolution sexuelle en France, c'est-à-dire aussi un basculement. Au début de l'année, la censure cinématographique tombe  et on organise même à Paris le premier Festival du film porno, mais à la fin de l'année la Loi dite X sanctionne financièrement la pornographie et la cantonne dans un ghetto. Symbole d'une certaine libération de l'expression, la pornographie devient une industrie. Les prostituées manifestent et font la grève à Lyon pour obtenir un statut; les féministes de leurs côtés se divisent sur cette questions et la majorité entend demander l'interdiction de la prostitution pour le bien des prostitués.  Mais il s'agit surtout d'un phénomène français. 

Le sida a joué aussi un rôle fondamental. La dimension sociale devient un enjeu majeur pour les homosexuels (reconnaissance légale du couple) et le combat qu’elle inspire revêt une dimension sociétale, fondée sur plus de tolérance et une réelle égalité. D’où le titre: “Réinventer l’amour” au sens rimbaldien du terme.

A cet égard, je regrette que les titres allemands ne soient pas des traductions des titres français mais des interprétations, avec en plus un réel contre-sens pour celui du second épisode. “Réinventer l’amour” - qui rappelle la citation de Rimbaud dans Une saison en Enfer, "Délire I, Vierge folle, L'époux infernal" (cf. Rimbaud, Œuvres complètes, édition de la Pléiade, Gallimard 1972, page 103, lignes 12 et 13): “Il faut réinventer l’amour, on le sait” a été malheureusement “traduite” par Liebe une Moral (Amour et Moralité) ! Ce n’est pas du tout le sens du film qui précisément a toujours cherché à se dégager de toute considération morale et/ou moralisatrice. Amour contre Moralité eût pu encore se défendre, mais la conjonction de coordination "et" tend ici à induire qu'il existe un lien entre l'amour et la moralité, qu'il n'y aurait d'amour que moral ou que l'un est toujours lié (doit être lié) à l'autre peu ou prou. C'est une technique somme toute assez classique des moralisateur d'induire au nom d'une prétendue objective une dimension morale pour pouvoir ensuite aborder les questions sexuelles à l'aune de ce prisme. Mais l’histoire n’est pas un sermon pastoral. Et il serait temps de dégager l'analyse historique, sociologique et anthropologique de tous les prismes religieux (qu'il s'agisse d'une simple lecture ou d'une emprise).  Cela ne signifie pas que la religion ne doit pas être prise comme un objet d'étude - mais rationalisé - celle-ci ayant joué un rôle dans la révolution sexuelle. En réalité, le titre en allemand Liebe une Moral (Amour et Moralité) est très subjectif, très orienté et connoté. Il induit alors qu'il eût dû simplement traduire, être une traduction. Mais bon, comme à la grande époque pour d’aucuns, “les règles sont les règles (Die Regeln sind die Regeln) et nous autres, pauvres auteurs, n’avons pas notre mot à dire, juste le droit de nous taire. C’est triste, décevant et dommage intellectuellement.




Hambourg, avant le retour de la pudibonderie. Source Mrfootage. 


En fait si je tiens à le souligner c'est aussi parce que ce titre aux allures de Diktat traduit bien un certain état d'esprit latent - un retour au puritanisme, à la pudibonderie des années 1950 ? Peut-être exprime-t-il aussi le besoin quasi pathologique - toxique - de faire des questions sexuelles un objet et un sujet de polémique, parce qu'aujourd'hui, avec peut-être les questions d'éducation, le clivage idéologique et politique se situe là, à moins qu'on veuille faire en sorte de le situer uniquement sur ce domaine là, pour occulter tous les autres.  Si tel était le cas, ce serait assez intéressant car représentatif voire symptomatique. Révolutions sexuelles ne seraient pas seulement deux films historiques mais aussi un objet de cette histoire, une histoire en action. Toutefois, si on regarde objectivement ces films, franchement, il s'agirait une fois encore d'un contre-sens. Car Révolutions sexuelles analysent un processus historique sans chercher la polémique. Les débats sur les questions sexuelles sont pris comme des objets historiques. En revanche, par souci de rigueur intellectuelle, les films rappellent aussi que si les médias ont tendance à amplifier tel ou tel mouvement, ce dernier reste parfois très minoritaire dans l'opinion publique - même si cela peut déplaire à certains. Le travail historique est aussi un travail de relativisation.




EXTRAIT VIDEO
Les Féministes.


Les intervenants de votre film semblent avoir vécu eux-mêmes la révolution sexuelle. Les archives souvent étonnantes participent aussi de ce point de vue. Est-ce un choix de votre part ? 

Effectivement, la majorité des intervenants a vécu les événements qu’ils analysent et qu’ils relatent. Cette dimension est importante pour moi. Car il s’agit d’une mise en oeuvre et d’une mise à l’oeuvre du principe d'honnêteté intellectuelle, ou comment objectiviser - analyser d’une manière objective - des événements ou des processus qui furent parfois vécu de manière subjective,  comment faire de cette part de soi un élément capable de rendre compte de la part des autres, et de tous les autres, comment prendre du recul sans perdre sa capacité de se dire qu’on fut à l’avant scène de ce dont on parle. Tous le font avec sincérité et brio. Et quand l'anecdote privé se révèle exemplaire, cela confère aussi à chacune de leur intervention une part d’humanité qui rend compte de ce que furent les Révolutions sexuelles. Ce souci du témoignage, de ce qu’est ou peu représenter un témoignage s’inscrit dans mon travail documentaire. Dans les films précédents (Le jour où la terre s’arrêta: 1962, la crise des missiles de Cuba, My american way of war, My American way of life, Après l’attentat..) j'ai toujours cherché à analyser les faits ou les phénomènes historiques en soi mais aussi à voir comment ceux-ci avaient-ils pu être éprouvés et ressenti, analysé et compris par ceux qui les avaient vécu voire subi. Comment un fait traduit-il ou modifie-t-il un état de conscience individuel et collectif, de l'individu au regard du collectif ? Certains événements historiques ont-il vraiment changé la vie des individus ? A l'inverse, dans quelle mesure certains faits pourtant minimes ont-il revêtu une importance existentielle (je songe à la minijupe et aux cheveux longs, au flirt - sujets d'ailleurs plusieurs fois traités par la télévision française de l'époque comme des enjeux de société - à cette égard les archives télévisuelles se sont révélées être un objet et une source historique en soi, un miroir et une représentation assez juste de la société de l'époque). En réalité, cette dimension propre à l'anthropologie historique me passionne.

Les entretiens ont souvent été très longs (plus de trois heures trente pour certains.), et en profondeur (Alain Giami m'a même dit à un moment que j'étais pire qu'un psychanalyste, lol). Je remercie encore tous les participants pour leur patience. J'espère d'ailleurs que les rushes pourront être conservés et montrés un jour, en guise de bonus, via des sites internet, non seulement parce qu'ils est impossible de tout dire en deux fois 53' (tout ce qui était trop spécifiques n'a pu être montés, et il a fallu couper aussi...) mais surtout parce qu'ils témoignent d'une pensée à l’œuvre.

Nous avons effectué des tournages en France, en Allemagne, aux États-Unis et en Suède, ces deux derniers pays ayant servi d'exemple aux autres. Il s'agit de lieu représentatif et des la révolution sexuelle et de la réflexion la concernant. La France renvoie à une Europe plus méridionale (la partie catholique weberienne), l'Allemagne à l'Europe septentrionale (la partie protestante weberienne), la Suède à l'Europe nordique (même s'il existe des différences avec le Danemark et les Pays Bas) et les États-Unis du monde occidental.  En fait, ces films ont pris comme point d'appui le fait de voir ce qui était commun à l'ensemble du monde occidental, n'ayant pas le temps d'étudier chaque point spécifique. 







Extrait video: l'orgasme...


Je suis heureux que vous ayez perçu l'énorme travail effectué sur les archives, non seulement dans leur repérage, leur choix mais aussi dans le traitement d'étalonnage, pour leur redonner leurs couleurs - et leur identité - d'origine. J'ai privilégié parfois celles qui étaient de moins bonnes qualité que celles souvent mises en avant, parce qu'elles traduisaient, souvent avec humour, d'une manière plus juste l'état d'esprit d'une époque, et parce qu'elle le donne à vivre. Il était important de rendre compte autant de la légèreté que de la gravité. Les archives sont de formidables forces motrices, centrifuges et centripètes, c'est selon. Nombreuses sont celles très rarement vues (j'en ai déniché de nombreuses dans les fonds de l'INA, comme les archives vidéos de la Manif féministe à l'Arc de Triomphe, de la première gay pride de 1970 ou encore les moments culte des séances d'apprentissage de l'orgasme avec le fameux "Respire Janine", ou encore "Marie-Thérèse") voire inédites car privées.  J'aime ce travail du temps sur la pellicule, le timbre et le phrasé des voix. Ils sont autant d'indices de la mise en perspective historique. C'est aussi un travail aussi sur les chaires qui donnent chaire aux images et qui fait sens. 

Pensez-vous que Les révolutions sexuelles sont achevées ? 


Révolutions sexuelles cherche avant tout à définir un processus et à en retracer les mouvements, et parfois les contradictions. Les deux films ne sont pas exhaustifs dans la mesure où il en faudrait plus de deux pour décrire ce que fut chacune des révolutions. Ils révèlent combien la révolution sexuelle demeure un processus fondamental de l’histoire du XXième siècle et un facteur de transformation sociale et sociétal (un projet de société). 

Le fait que le premier film, Le droit au plaisir, soit assez joyeux en tout cas plus drôle que le second, Réinventer l'amour, est cependant un indice. Le contexte a changé. Les années 1950 étaient des années d'essor économique (Trente Glorieuse, plein emploi, croissance et diversification de la consommation) et de transformations sociales (développement de la classe moyenne, démocratisation de l'enseignement, allongement des études, essor de l'adolescence comme entité sociale et culturelle (les jeunes)...). Après 1975, la donne change (Crise, dépression et régression économiques, dénonciation et contestation des modèles existants). Le sida marque un vrai renversement. Le sexe devient une affaire sérieuse. Quoiqu'il en soit, le contexte n'a pas changé les acquis de la révolution sexuelle, et ceux qui entendaient restaurer un ordre moral conservateur sont restés des groupes minoritaires. Du moins jusqu'au début du XXIe siècle... Le vote du PACS en 1999 a suscité une violence et des réactions homophobes qu'on eût espéré ne plus revoir apparaître. Idem pour le Mariage pour tous, même si au final, cinq ans après sa promulgation, celui-ci ne fait pas débats, et que de nombreuses personnalités  qui avaient voté contre reconnaissent aujourd'hui leur erreur... Mais le fait que la question de la nature ("il est naturel pour un enfant d'avoir un père et une mère" répétaient en chœur les manifestants de la Manifs pour tous), le tout dans un contexte de loi de la jungle économique, prime sur celle de la culture est symptomatique. Elle évoque le débat au XVIIIe siècle des Lumières (La Kultur) contre l'obscurantisme (le religieux). 

Il faut bien reconnaître que la société du XXe siècle a accompli un véritable travail sur soi (qui aurait pu penser en 1970 que les gay pride pussent devenir un symbole et un étalon de la tolérance ?). Celle du XXIe siècle est à la fois plus tolérante et plus intolérante. Certes il y a eu - et heureusement - le Mariage pour Tous. Certes, il y a une mobilisation contre les violences faites au femmes. Mais le fait que l'on censure sur Facebook des œuvres d'art comme Origine du monde de Gustave Courbet alors qu'on autorise des photographies montrant le massacre de Bataclan, que  des sites censurent des photos de statues antiques au prétexte qu'elles sont nues (exactement comme les Musées capitolins de Rome avaient dû voiler les statues antiques dénudées pour la visite de Président iranien Hassan Rohani - ce que même l'Inquisition au Moyen-âge n'avait pas fait), le fait que  les images de femmes en lingerie (je songe à l'accord qui vient d'être passé à Anvers entre les publicistes et la communauté hassidique) ou que l'on ne fasse plus des cours d'éducation sexuelle y compris dans l'enseignement laïc, et ce pour complaire à des minorités religieuses (mais majoritaires dans leur espace communautaire), le fait qu'il a fallu revoir (c'est-à-dire en fait censurer) la mise en scène théâtral d'Harlem Quartet d'après le roman éponyme de James Baldwin parce que l'évocation de l'homosexualité chez les Noirs américains avaient provoqué des troubles auprès du public de banlieue, tout cela est assez représentatif d'un changement d'état d'esprit inquiétant. Il y a aussi une certaine hypocrisie. D'un côté, on censure au nom du respect religieux ou de la protection de l'enfance et de l'adolescence et de l'autre, ces même sites partagent des profils qui renvoient à des sites pornographiques en libre accès aux enfants et aux adolescents ou a des sites de rencontre sur lesquels ceux-ci peuvent se prostituer. En fait, ce que d'aucuns appellent un politiquement correct est surtout une moralement correct. Il apparaît politique dans la mesure où cette moralité et ce moralisme expriment leur volonté de marquer, de contraindre voire d'assujettir la loi. Et de revenir à un ordre moral qui est surtout moralisateur. 

La question est simple. En quoi faut-il interdire - censurer - une liberté (sexuelle et d'expression) quand cette liberté ne menace pas celle d'autrui ? A cet égard, la liberté et l'égalité sexuelles sont des marqueurs majeurs de la démocratie. Un régime peut se dire démocratique (via le mode d'élection, la séparation des pouvoirs) sans qu'il pratique une politique démocratique. Les États dits démocratiques qui censurent et qui refusent l'égalité et la liberté sexuelle sont-ils démocratiques dans la mesure où ils autorisent et justifient des inégalités. A l'aune de la liberté sexuelle, la Russie est-elle un État vraiment démocratique ? Et L'Iran ? l'Arabie Saoudite ? L'Inde ? La Chine ? La France républicaine est devenue, d'une certaine manière, un état démocratique en 1982 avec la dépénalisation de l'homosexualité et il faut veiller et tout même en œuvre pour qu'elle le reste. Les réseaux sociaux qui censurent les images de statues antiques, c'est-à-dire des représentations qui illustrent les racines et les fondement de la culture occidentale pourraient même apparaître selon ce prisme comme des réseaux fachos. Ils contribueraient à véhiculer au nom du visuellement et du politiquement correct une pensée obscurantiste voire un discours de haine et d'élimination délibérée de tout ce et par là-même de tous ceux qui ne correspondraient pas aux critères définis par eux-mêmes ! (le fait qu'un site se constitue en tant qu'État et en son propre état, qu'il soit à cet État son propre parti n'est pas sans rappeler la définition des régimes autoritaires voire totalitaires). 

Alors que les pages inédites du Journal d'Anne Franck révèlent combien il apparaissait à l'adolescente important de développer une véritable éducation sexuelle afin de répondre aux questionnements des jeunes gens, il faut interroger le fait qu'il serait aujourd'hui impossible - et judiciairement condamnable - de montrer dans les écoles les films d'éducations sexuelles produits par les Ministères après 1973...  Le fait qu'il soit désormais de plus en plus difficile voire impossible de montrer un corps nu à la télévision et que l'on censure ces images, est aussi préoccupant - surtout quand cette censurent s'exercent dans des pays qui furent des acteurs importants et des moteurs de la révolution sexuelle. Et ce n'est peut-être pas un hasard si, dans le sillage de cette nouvelle vague de censure, on observe aussi une hausse notable et continue des actes, des violences et des insultes homophobes... Nombreux sont aussi ceux à réfuter toute la révolution sexuelle en bloc au prétexte qu'elle leur apparaît comme une forme de diktat occidental néo-colonial, un modèle imposé et ce, malgré le fait que les acteurs de la Révolution sexuelles défendaient des positions anti-coloniales et anti-colonialistes et surtout n'avaient aucune idée derrière la tête tendant à faire de la révolution sexuelle un modèle colonial. Peut-être que cette accusation est en réalité avancée  parce que la révolution, la libération et l'égalité sexuelles menacent les codes et les diktats patriarcaux. Pourtant c'est surtout en dehors de la sphère occidentale que la révolution sexuelle est surtout opératoire aujourd'hui. 




Marche des femmes en Grande Bretagne, janvier 2017. Source INA.



Ce mouvement se déploie aujourd’hui en Asie en particulier, en Amérique du sud aussi. Il peut s'agir d'un progrès, en tout cas pour ceux qui luttent afin de faire passer ces réformes, il s'agit d'un progrès. A l'inverse, il est aussi contesté, y compris en Occident, creuset de cette révolution sexuelle. Certes, il s’agit d’un mouvement minoritaire qui utilise d’ailleurs les même ressors dialectiques que les minorités sexuelles en l’heure temps pour promouvoir leur idéologie conservatrice. En témoignent les manifestants de la Manif pour tous qui défilent ballons et tee-shirt roses - du même rose que celui des triangles roses dans les camps de concentrations nazis. Ces mouvements minoritaires ont très bien su jouer et répondre aux besoins des médias. Peut-on parler cependant d’un retour en force des valeurs conservatrices ? Par certains aspects sans doute. Par exemple, on assiste à un retour de la censure, surtout dans les pays de l’Europe du Nord qui furent pourtant à l’avant-garde de la libération des moeurs. Il est impossible de montrer un enfant nu sur une plage, un camp de nudiste,  un sexe d’homme et de femme... On interdit à nouveau beaucoup plus qu’on ne tolère, et ce parfois par souci de tolérance pour ne pas froisser des sensibilités religieuses, morales, puritaines des uns et des autres... La liberté devrait-elle totale, elle devient sélective. Autre phénomène, les pays comme la Suède qui promurent l’éducation sexuelle dans toutes ses dimensions à l’école la limite à la simple information anatomique désormais. On protège les jeunes de tout référencement sexuel public mais on les laisse regarder à huit ans les sites de vidéos pornographiques... 

En fait, si les questions sexuelles font tellement débats, c'est bien parce qu'elle représentent un enjeu politique qui permet de restaurer un clivage. Auparavant, au XXe siècle, les oppositions se fondaient sur des principes ou des idéologies politiques, comme le capitalisme et le socialisme, et les questions sociales. La question de la légalisation de l'avortement était, du moins en France, autant une question sociale (les femmes ne voulaient plus de famille trop nombreuse au risque de ne pas avoir les moyens de pouvoir donner toutes leurs chances à leur enfants) autant que philosophique. L'avènement du néo-libéralisme dans les années 1980, puis la fin de l'URSS, la conversion de la Chine à l'économie de marché a changé la donne. C'est à cette époque qu'apparaissent les nouveaux concepts de "nouveaux mouvement sociaux" ou de "question sociétale". Cela ne signifie pas que les différences et les inégalités sociales ont disparu, bien au contraire, mais que le débat s'est déplacé des questions droite/gauche, capitaliste.socialiste, vers une opposition entre progressistes et conservateurs, comme l'illustre le "Mariage pour tous" en France. C'est-à-dire vers un débat plus moral, au risque de devenir moralisateur, mais qui fédère des groupes très différents, parfois issus des rangs de la droite et de la gauche. L'échec ici des partis traditionnels de droite et de gauche, ou encore l'essor des partis ultra conservateurs, nationalistes et réactionnaires sur le plan moral peuvent apparaître comme le résultat de ce changement de paradigme.

La politique urbaine traduit bien ce retour à un conservatisme moralisateur. Lors de nos tournages, nous avons été surpris de voire combien les quartiers dit chauds étaient en voie d'éradication - c'est-à-dire de gentifrication. A Stockholm, les rues des sex-shops et des prostitués sont devenus des no man's lands. Cela ne signifie pas que la prostitution a disparu. En fait, elle s'accroît au contraire  dans l'espace médiatique. Du moment qu'elle n'est plus visible - donc dicible - tout le monde est satisfait. C'est assez représentatif de notre époque: peu importe si les pires violences, la pire loi de la jungle se développent via internet, du moment que l'on n'est pas au courant, du moment que le pire ne se déploie pas dans notre propre espace vital,  tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais bon, hypocrisie et pudibonderie vont assez de paire. C'est au final assez XIXe siècle comme manière de penser. 

Toutefois, si retour conservateur il y a, dans quelle mesure ne va-t-il pas être contraint par les forces d’oppositions inverses ? Les Marches des femmes après l’élection de Donald Trump sont un bon indice de la capacité du corps social à résister au nouveau virus réactionnaires. En fait, si ce dernier est plus résistant, il n’est pas tellement nouveau.  Il suffit d’écouter  les propos  homophobes tenus par ceux qui luttaient contre le mariage homosexuels, ils correspondent en tout point à ceux propagés par Anita Bryant en 1977 aux Etats-Unis. Mais n’est-ce pas le propre des conservateurs que de n’apporter rien de nouveau. 


Pour conclure, je dirai que la révolution sexuelle fut autant une révolution des moeurs qu’une révolution d’idée. C’est pourquoi, il importe de rester vigilant sur l’idée que l’on se fait de notre société, d’un point de vue éthique et non pas moral. De ce point de vue nous vivons une époque assez troublante car troublée, avec des indices et des repères contradictoires. Analyser la révolution sexuelle peut permettre de la clarifier, de définir des objectifs et des états de conscience. Car la révolution sexuelle est une histoire de corps et d’âmes, de plaisirs et de sentiments. Elle est humaine et humaniste. Elle est à notre image ou de celle dont nous rêvons. 



"Respire Janine", cours d'un sexologue pour procurer l'orgasme dans les années 1970. Source INA.




REMERCIEMENTS


Un grand merci à tous ceux qui ont accepté de participer à ce film:  
Alain Giami, psychsociologue,
aux historiens Jeffrey Escoffier, Mariah Larsson, Carl Marklund, 
Anne-Marie Sohn, Vincent Vidal-Naquet, 
à la journaliste Basha Mika, 
aux écrivains Erica Jong, Annie Le Brun, Loretta Ross, 
Patrick Schindler, Maryse Wolinski,
au cinéaste Jean-François Davy,
aux artistes Wilfried Laule, Mahide Lein, Rolf Fisher,
et à tous ceux qui ont  témoigné de leur révolution sexuelle: 
Isabelle Colet de la Maison des Femmes de Montreuil, Eva Lekter, enseignante, 

Tree barman du Stone Wall Inn, Carmen D’Alessio du Studio 54. 




Matériel Photos Presse

CONTACT PRESSE ARTE:

Responsable presse:
Rima Matta



Responsable nouveaux médias:
Lama Serhan



An american french kiss. Source Atelier des archives.

Orgasme musical, source: Atelier des archives.

Pervers pépère, from Sex madness, source: NARA.

Women'sMarch, Janvier 2017.

A play boy boy, source: Atelier des archives

BB party, 1958. De François Chalais. Source: INA.

En chasse: flirt à Rouen, 1960s. Source INA.

Dur dur d'avoir les cheveux longs. Paris, 1960s. Source INA.

Hippy. Kommune de Londres, 1969. Source INA.
Water power, 1960s. Source: Atelier des archives.



La vraie fausse Brigitte, 1960s. Source: Atelier des archives.

Flower Power, l'amour libre à l'air libre. Summer of love 1967. Source: Atelier des archives. 

Kiss, 1960s, source: Atelier des archives.

1968 icône, source: INA.

London teen, source INA.
Les copains, 1960s, source INA.


Doit-on se faire belle pour être beau ? Source INA.


Cours d'éducation sexuelle, France 1973. Source INA.

Bof. Tiré d'Exhibition, de Jean-François Davy, 1976.
Pigalle. Source MrFootage.



Transgenre. Gay Pride New York 2017. source INA/AFP.
The Show, source Atelier des archives.


Seff defense féministe, USA 1970s, source NARA.

Gay Pride, NY 1970. Source INA.

Manifestation féministe, Paris 1971. Source INA.

Manifestation féministe; New York, 1975. Source INA.

Patriarcat.  Spectacle féministe, USA 1970s. Source INA.

Jouir sans entrave, tiré de W.R.Misterije organizma de Dusan Makevejev, 1971.. 
Alors, heureuse ? tiré d'Exhibition, de Jean-François Davy, 1976. 


Cours d'éducation suédois, 1971.

Education sexuelle, France 1970, source INA.

Education sexuelle, France 1973, source INA.

Education sexuelle, France 1973, source INA.

Hambourg Bacchanale, source: MrFootage.

Peep show, Suède 1975.Source SVT.

Peep Show, Suède, 1975. Source SVT.

SEX. Hambourg, 1970s. Source; Mr Footage.
Sex, Hambourg 1970s, source Mrfootage.


Manifestation pour l'avortement,  Paris 1970s. Source INA.

W. Laule, Gay Pride Berlin. Source W. Laule.

W. Laule Gay Pride Berlin. Source W. Laule.

Obélisque de la Concorde , opération Condom. Source INA.

Maison Blanche Arc en Ciel, 2017. Source INA/AFP.
Transsexuel en campagne électorale, Afghanistan 2013. Source INA/AFP


Mariage pour tous. Source INA/AFP

Les trois Grâces, Catcheuses transexuelles, Mexique. Source INA/AFP

"Cacher ces seins que je ne saurais voir", Tarfuffe, Molière. Tiré de Banane mécanique de  Jean-François Davy. 

FEMEN, Paris. Source INA/AFP




PHOTOGRAPHIES DES INTERVENANTS 



Jean-François Davy, cinéaste.

Mariah Larsson, historienne.

Loretta Ross, écrivaine.

Patrck Schindler, écrivain.

Loretta Ross, écrivaine.

Basha Mika, journaliste.

Alain Giami, psychosociologue. 


Vincent Vidal-Naquet, historien. 

Carl Marklund, historien.

Loretta Ross, écrivaine.

Eva Lekter, professeur.

Anne-Marie Sohn, historienne.

Jeffrey Escoffier, historien et sociologue.

Bash Mika, journaliste.

Annie Le Brun, écrivain.


Annie Le Brun, écrivain.

Patrick Schindler, écrivain.

Patrick Schindler, écrivain. 




Mariah Larsson, historienne.

Vincent Vidal-Naquet, Historien. 

Maryse Wolinski, écrivaine.

Mahide Lein, Directrice artistique.

Wilfried Laule, artiste.

Wilfried Laule, artiste.






Alain Giami, psychosociologue.










An american french kiss. Source Atelier des archives.

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